Histoire du cuir

HISTOIRE DU CUIR

La communauté cuir

Préambule : « Ce dont je vais vous parler va sans doute évoquer des choses que vous connaissez. Mais rien de ce que je pourrai vous dire du monde cuir ne sera suffisant ou assez objectif pour le caractériser correctement. La communauté cuir se vit, elle ne se raconte pas.

Chaque mec cuir se construit sa façon d’être. Chaque communauté s’édifie autour de ses codes. Pourtant nous partageons tous des valeurs communes qui se sont transmises de génération en génération.

Ce que je vous propose ici, c’est ma vision de ma communauté à laquelle j’appartiens inconsciemment depuis les années 70 et consciemment depuis les années 80, telle que j’ai appris à l’aimer avec passion. »

Hugues Fischer, Mr Leather France 2013

Histoire, codes, symboles et traditions

Le cuir exerce une excitation de tous les sens, la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher. Ne serait-ce que parce qu’il a longtemps qu’il fait partie de l’équipement des hommes d’arme et des militaires, le cuir et la virilité vont de pair avec une certaine exacerbation de la masculinité.

Mais pour nous le cuir revêt parfois des sens très différents qui vont d’un style de vie à un attrait esthétique en passant par de nombreux intermédiaires. Mais peut-on réellement expliquer ce qui fait l’attrait du cuir ?

D’où viennent les leathermen ?

L’origine des mouvements cuir gays modernes est sans conteste la fin de la seconde guerre mondiale.

Issus de la guerre et de ses conditions de vie, promiscuité masculine, sens de l’entraide, du devoir, du respect des autres et des grades, le mouvement naît des vétérans de la guerre qui tentent de poursuivre des expériences d’un certain style de vie. La tradition du cuir vient des motards militaires, à la fois de leur tenue portée en permanence et d’une certaine liberté dont jouissent ces hommes.

Après leur démobilisation, d’anciens militaires, le plus souvent gays, créent les premiers groupes dans les docks des grands ports. New-York, Philadelphie sur la côte est, Seattle, Los Angeles, San Francisco sur la côte ouest mais aussi Chicago. En Europe, Marseille, Hambourg, Amsterdam.

Ces premiers groupes choisissent souvent un bar comme lieu de rassemblement où ils affichent leurs insignes. C’est encore observable aujourd’hui aux États-Unis (au DC Eagle, Washington DC, The Cuff, Seattle WA, entre autres). Ils organisent aussi des rassemblements et des courses de moto. Puis le mouvement se développe parce que ces groupes provoquent l’attrait de certains jeunes gays autour de ces bars et des rassemblements cuir et moto. Parmi les premiers bars cuir il y a le Silver Dollar à New York en 1950. Les premiers clubs connus sont le Satyrs (1954) et l’Oedipus (1958) à Los Angeles. On trouve fréquemment à la porte des premiers bars cuir un panneau portant la mention :  « AYOR » At Your Own Risk, un avertissement qui figurait sur les grilles à l’entrée des docks.

En Europe, l’aventure des bars cuir commence à Amsterdam avec l’Argos qui ouvre en 1955. L’Argos a fermé ses portes en décembre 2014 à l’issue de près de 60 années d’activités. A Londres, le Sixty Nine Club se prétend le plus vieux club cuir européen toujours existant. Il a été créé par Felix Jones et Tony Hepworth en 1965 pour les motocyclistes gays et leurs amis. C’est surtout dans les années 70 que les bars cuir se développent essentiellement dans l’Europe du Nord. Les premiers clubs se constituent dans les pays du nord (SLM-Copenhagen 1972) et de l’ouest de l’Europe (MSA-Amsterdam 1970, MSC-London 1973, MSC Scotland 1973, SLM-Malmö 1974, SLM-Stockholm 1975, LC-Stuttgart 1977 et à Berlin, le BLF. Une série de clubs an Allemagne et en Suisse sont créés sous l’appellation Loge 70 dont le dernier resté en activité jusqu’en 2013 est Loge 70 Switzerland créé le 6 juin 1973.

En France à Marseille, Jean-Pierre Fouque vendait des vêtements en cuir et d’autres accessoires. Dans les années 1970, il avait tellement de clients (il était le seul distributeur en France) qu’il eut l’idée de rassembler ceux qui aimaient le cuir, la moto ou le caoutchouc dans un groupement d’amis, un club où les gens qui avaient les mêmes goûts pouvaient échanger leurs idées et leurs fantasmes. Ce club fit le lien entre les gens de Marseille, de Lille, de Strasbourg ou de Paris. On lui donna le nom de « Boys Cuir ». C’était le premier club Cuir S.M. de France. Son siège était sis à Marseille.

À Paris la scène cuir s’organise d’abord autour du Bronx, rue Sainte Anne puis le Keller, le Manhattan, le Daytona, le « B.H. » et le Transfert.

Et puis, à Paris aussi, inspirés par l’exemple marseillais, chaque mois, un groupe prit l’habitude de se rencontrer dans un restaurant du côté des Halles. Il y avait déjà entre vingt et trente convives. Ce restaurant était également le lieu de l’assemblée générale annuelle. En effet, du premier club était née une nouvelle structure qui s’appelait le « S.M.F. » (Sport Moto France).

En 1974, les clubs britanniques, hollandais, belges et suisses créent l’ECMC, confédération européenne des clubs motocyclistes, European Confederation of Motorcycle Clubs, bientôt rejoints par de nombreux autres clubs européens dont l’ASMF.

Aujourd’hui l’ECMC compte une quarantaine de clubs à travers l’Europe. Elle soutient la création de nouveaux clubs en Europe de l’Est et organise tous les ans à l’occasion de son assemblée générale le concours de Mr Leather Europe.

En 1975, des comptes aussi fantaisistes par leur forme que par leur fond furent présentés à l’assemblée générale du S.M.F. L’assemblée refusa de donner quitus pour les finances. Pour sortir de l’impasse créée par cette situation, certains membres proposèrent à l’assemblée de dissoudre le S.M.F. et de recréer dans la foulée un nouveau club. L’accord fut donné par la majorité des présents. Trois liquidateurs furent nommés. Cela sonna le glas du S.M.F. Restait à savoir quel serait le nom qu’on donnerait au nouveau club. A l’époque, il était impossible de parler de « sadomasochisme » et de déposer des statuts S.M. à la préfecture. Il a donc été décidé de le nommer « Association Sportive et Motocycliste de France ». Ceci permettait d’intégrer les lettres « S.M. » dans le sigle, comme l’avaient fait d’autres clubs étrangers et, bien sûr, le S.M.F. dont l’A.S.M.F. était issue.

Les statuts de l’« Association Sportive et Motocycliste de France » furent déposés à la Préfecture le 23 septembre 1975.

Mouvement artistique

Le développement du mouvement cuir partout dans le monde ne passe pas aussi inaperçu. Nombreux sont les artistes qui ont marqué ces décennies que ce soit par leur expression artistique ou par l’affichage d’une image.

S’il est un artiste qui est devenu le symbole du monde cuir, c’est bien Tom of Finland. Tom of Finland, de son vrai nom Touko Valio Laaksonen, est un dessinateur et peintre finlandais, né le 8 mai 1920 à Kaarina et mort le 7 novembre 1991 à Helsinki. Ses représentations d’hommes hypermasculins et fétiches ont durablement marqué la culture cuir.

“Je n’ai pratiquement jamais dessiné un homme complètement nu. Il doit au moins avoir une paire de bottes ou quelque chose sur lui. Pour moi, un homme habillé est bien plus érotique qu’un homme nu. C’est très beau un homme nu, mais habillez-le en cuir noir ou en uniforme – Et ah ! Là il est plus que beau, il est sexy ! “

I almost never draw a completely naked man. He has to have at least a pair of boots or something on. To me, a fully dressed man is more erotic than a naked one. A naked man is, of course beautiful, but dress him in black leather or a uniform – ah, then he is more than beautiful, then he is sexy!

Tom of Finland

La combinaison moustache-blouson-casquette de cuir s’est imposée dans la culture populaire du monde occidental comme un stéréotype visuel des homosexuels. Tom Of Finland a fini par entrer dans les collections de musées prestigieux (à quand le Louvre?). Dernière en date, l’exposition « au sceau du secret – correspondance de Tom of Finland » s’est tenue du 6 septembre 2014 au 29 mars 2015 au musée postal de Tampere en Finlande. À cette occasion, trois timbres issus de son œuvre ont été mis en vente.

D’autres artistes comme Tom Nicoll ou encore Peter Berlin en Europe, ou aux Etats-Unis, Robert Mapplethorpe et Jim Wigler font également partie aujourd’hui des icônes du monde cuir.

Il existe peu de travaux universitaires consacrés à la communauté cuir. Mais ce peu est suffisamment éloquent pour en faire l’éloge. L’anthropologue américaine Gayle Rubin, militante LGBT et féministe, a consacré beaucoup de son temps à étudier la communauté cuir et a publié bon nombre de textes et d’ouvrages à son propos. A commencer par sa thèse soutenue en 1990 à l’Université du Michigan, intitulée : « The Valley of the Kings. Leathermen in San Francisco: 1960-1990 ». La Vallée des rois (The Valley of the Kings) est le surnom donné au quartier de South of Market qui abritait le cœur de la vie gaie cuir de San Francisco, à son apogée dans les années 80. En 1988 elle a reçu le National Leather Association Leather Woman of the Year Award; en 1992, le Pantheon of Leather Forebearer Award; et en 2000 le Leather Archives and Museum « Centurion » et le National Leather Association Lifetime Achievement Award. La professeure Gayle Rubin enseigne toujours aujourd’hui à l’Université du Michigan. Quelques-unes de ses publications ont été traduites en français et publiés par un de ses étudiants, français, Rostom Mesli aux éditions EPEL.

La communauté cuir

Ces premiers groupes cuir qui se forment dans les années 50 ont un sens aigu de la fraternité, de l’entraide mais aussi du respect des codes et de la hiérarchie.

La deuxième génération, celles des jeunes qui se sont sentis attirés par les rencontres des vétérans ont formé ce que l’on appelle aujourd’hui la « vieille garde ». Ils ont repris à leur compte les usages des premières communautés issues de la guerre en les codifiant sous forme de règles concernant la conduite et les relations entre les membres d’un groupe. Le nouvel entrant avait un rang d’esclave (slave) et se devait de servir et respecter ses supérieurs. Il n’acceptait que très rarement de rester à ce stade. L’évolution naturelle de ses relations le poussait à devenir Garçon (boy), puis Monsieur (Sir), et au final, Maître (Master). Mais ce code instaurait aussi la discrétion en écartant tous ceux qu’ils ne reconnaissaient pas dans leur mouvement.

Peu codifié au départ, le mouvement cuir va acquérir des règles sous l’influence essentiellement des mouvements féministes des années 60. Le respect des limites de chacun, les mots de sécurité utilisés dans le leathersex apparaissent avec cette évolution.

Nota : les concepts utilisés ici comme Leatherman, Lethersex… sont le plus souvent d’origine de langue anglaise et sont moins clairement définis par une traduction littérale. D’où l’adoption de les laisser en anglais ou de les traduire par « mec cuir » ou « cuir » et « sex-cuir ».

Les mouvements de libération gay vont libérer les cuirs de leur dimension de société secrète et les générations des années récentes vont faire apparaître la diversité des styles fetish, une plus grande visibilité et développer l’esprit de tolérance.

Les nouveaux cuirs : Joseph W. Bean (2nd ed. 2003) : « La catégorie de gens qui pratiquent le cuir radical et le SM, ce qui fait partie de la plus large définition du sex-cuir, n’est pas très différent en 1992 de ce qui se faisait en 1964 lorsque je me suis fait étendre et battre pour la première fois. Bien que je n’en n’ai rien su jusqu’à quelques années plus tard, il y avait déjà des cercles de bikers vêtus de cuir aux cheveux longs dans les années 60. Ils réprouvaient les standards militaires du groupe que je connaissais et faisaient tout à leur manière. Ils aimaient être considérés comme rebelles et – comme je le sais maintenant – ils se faisaient une fierté d’être capables de se saisir de tout ce qu’ils avaient ingurgité, autrement dit, ils étaient switch plutôt que Tops et bottoms. Ils jouaient dans la boue et la graisse et mélangeaient la marginalité et les plumes avec leurs lourdes tenues cuir de motard.

En 1972, je savais qu’il existait des gens qui avaient intégré certaines versions de rituels des Américains Natifs dans ce que l’on nommerait aujourd’hui leurs jeux SM. En 1980, des rassemblements de tatoués, de bikers et les bars cuirs plus très marginaux avaient des degrés de tolérance plus ou moins grands pour ceux qui s’identifient aujourd’hui comme Nouveaux cuirs.

Les bars cuir, à l’organisation stricte et aux clubs cuir stables et un certain type d’associations se sont développés avec des hommes de la vieille garde conscients de l’ordre mais d’autres manières d’être un Mec Cuir existaient déjà. C’est simplement que le style de la communauté cuir traditionnelle vue d’aujourd’hui soutenait l’établissement d’institutions pérennes tandis que les communautés moins structurées n’ont pas participé par définition à cette structuration.

Ainsi, comme la politique libérale n’a pas été inventée par les hippies des années 60, les Nouveaux Cuirs n’ont pas été inventés par les rebelles de la fin des années 80. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, même dans le sexe cuir. Bien qu’il y ait une réelle différence aujourd’hui, il n’y a pas une nouvelle race de Mecs Cuir. Il y a un degré de volonté dans pratiquement toutes les communautés cuir de mélange ou de coexistence de Mecs Cuir différents. »

On peut dire que plus largement la génération qui suit la Vieille Garde est celle des gays qui revendiquent la liberté, la tolérance et qui ne craignent plus de s’afficher. L’heure est à la diversité des cultures fétiches.

Les années 80 vont être marquées par l’arrivée de l’épidémie de sida dans les pays occidentaux. La communauté cuir sera extrêmement touchée, même décimée. Mais la culture de la solidarité indissociable du milieu cuir se manifestera partout et les cuirs seront les premiers à se mobiliser et à organiser l’entraide dans les communautés.

Mais c’est plus les années 90 et 2000 qui vont sonner la transformation de la scène cuir et fetish. Certes la libération des mœurs est passée par là mais progressivement, ce sera le phénomène internet qui va révolutionner la manière dont les jeunes vont découvrir la sexualité.

Aujourd’hui, les styles se multiplient, les représentations aussi. On découvre bien des pratiques même très jeune à travers les films porno. Est-ce à dire pour autant que l’esprit cuir et les clubs disparaissent? Probablement pas. Il persiste une forme de socialisation indispensable à l’esprit cuir qui véhicule non seulement des valeurs fondatrices de la communauté mais favorise aussi des échanges dans le monde réel que chacun finit par reconnaître comme indispensable. De nouveaux modes d’expression émergent, comme les meutes de chiens, et côtoient les styles traditionnels sans aucun souci.

Les clubs cuir

Traditionnellement, le milieu cuir est structuré en clubs. L’entrée dans un club cuir n’est pas une simple adhésion à une association. Parmi les usages les plus communs figurent le parrainage, la cooptation, l’intronisation, l’engagement au respect des règles du club. Les règles sont variables selon les clubs, certains sont très sélectifs mais la fraternité et l’entraide entre les membres sont des règles essentielles communes à tous les clubs.

Avec l’avènement de l’internet et des modes de rencontre numériques, les clubs ont tendance à perdre de l’attrait. Ce qui se perd en même temps que cette dissipation, ce sont les usages et les traditions, y compris dans les pratiques.

Les signes distinctifs et les codes visuels

Dans le monde cuir, bon nombre de codes visuels ou de signes distinctifs ont été inventés et utilisés au cours du temps. Ils sont pour l’essentiel toujours en usage. S’il n’est pas indispensable de tout connaitre de ces codes ni de tout en comprendre, il y a un minimum à retenir ne serait-ce que pour éviter les malentendus lorsqu’on fréquente le milieu qui pratique ces codes.

La plus ancienne pratique selon les auteurs des années 60, c’est de porter ses clés en évidence à la ceinture, à gauche pour un Top ou un actif, à droite pour un bottom ou un passif. Retenir ça, c’est avoir presque tout compris. La plupart des autres codes ne sont souvent qu’une déclinaison de celui-ci. La chaîne qui sert d’attache aux clés permet de mieux visualiser. Mais elle indique aussi un degré d’engagement, essentiellement sur une tenue cuir.

LE HANKY CODE : Issu du milieu cuir, les bandanas portés dans la communauté gay indiquent d’un coup d’œil une préférence particulière du porteur. La couleur identifie une pratique précise tandis que la manière de le porter, noué sur la tête, autour du cou, au poignet ou dépassant d’une poche, indique le positionnement du porteur. A gauche, actif ou donneur, à droite, passif ou receveur. En position centrale, il identifie la versatilité du porteur. Mais les couleurs sont parfois simplement une composante de la tenue du porteur. C’est très classique chez les adeptes du fist fucking par exemple, dont la couleur rouge se retrouve dans toutes sortes d’éléments de la tenue, bande rouge sur un gilet ou un chaps, lacets de bottes, chaussettes, bracelets de force en plus des bandanas…

La casquette traditionnelle portée dans le monde cuir est une casquette de biker américain. Si aujourd’hui on s’en procure dans toutes les boutiques spécialisées et si elle est portée parfois sans en comprendre le sens, il n’en n’a pas toujours été ainsi.

Pour les mecs cuir traditionnels, c’est un signe distinctif de maître et son porteur se l’est vu attribuer par ses pairs. Le signe distinctif opposé est le collier ou la chaîne de soumis dont le cadenas est sous le contrôle du maître.

Mais toutes ces explications sur les codes ne sont que quelques repères. Leur usage est plus complexe qu’il n’y parait. Jouer sur les codes est comme employer un langage. Chacun exprime ce qu’il souhaite communiquer et compose ses phrases selon son inspiration. On ne s’identifie pas nécessairement tout le temps, pas de la même manière selon le contexte, on n’exprime pas toujours les mêmes choses. Le langage est aussi une question d’expérience, tant pour s’exprimer que pour comprendre. De nombreuses photos de cette présentation font référence à ces codes.

Les concours

Apparus aux Etats Unis à la fin des années 70, les concours de Mr Leather sont devenus une tradition de notre communauté. En effet, après la création de titres locaux, c’est déjà en 1979 que David Kloss devint le premier « International Mister Leather » à Chicago.

» [Elégie pour la Vallée des Rois, Gayle Rubin traduit par Tiger Rouge]. « Si, à ces débuts, le concours était « conçu comme une célébration de la beauté masculine, [le lauréat devant] « incarner un certain idéal de sex appeal masculin et cuir »… « l’engagement contre le sida et la finesse politique de ces lauréats du concours d’International Mister Leather au milieu des années 1980 commencèrent à modifier les attentes du public » …  »  Les lauréats n’étaient plus des beaux gosses et des sex symbols: on parlait d’eux comme des leaders ».

Et c’est bien ainsi que de nombreux clubs européens ont conçu leur titre. Ainsi pour le Münchner Löwen Club, « la tâche la plus importante du «Bavarian Mr Leather» est sa fonction de porte-voie et d’interlocuteur pour la communauté homosexuelle ».

Un français, Éric Guttierez, a franchi toutes les étapes du concours. Elu Mr Leather Ile-de France puis Mr Leather France en 2010, il a ravi le titre de Mr Leather Europe 2010 puis à Chicago en 2011 est devenu le 33e « International Mister Leather » face aux 52 autres candidats du monde entier.

The Leather Pride Flag

C’est le 28 mai 1989, à l’occasion du « International Mister Leather contest » à Chicago, que Tony DeBlase, rédacteur en chef de Drummer,  célèbre magazine cuir, présente sa proposition de « Leather Pride Flag ». Il a expliqué son geste dans un éditorial de Drummer :

« Le drapeau arc-en-ciel est devenu le symbole de la fierté lesbienne et gay et j’ai été fier de le porter, de marcher à ses côtés dans les parades et de l’étendre à mon balcon. J’ai été enchanté par les envolées de ballons arc-en-ciel utilisées dans les cérémonies d’ouverture et de clôture des gay games… Il m’a semblé qu’à l’occasion du 20e anniversaire de Stonewall le moment était venu pour les hommes et femmes cuir qui participent aux mêmes parades et y sont de plus en plus visibles, d’arborer un drapeau similaire, simple et élégant qui puisse servir de symbole de leur propre identité. J’ai estimé que de rassembler un comité pour le concevoir serait contreproductif, aussi je l’ai fait, tout simplement. J’ai consulté l’équipe ici, à Drummer, et certaines de leurs propositions y ont été incluses. Je ne m’attends pas à ce que cette conception soit définitive. »

Et pourtant, le drapeau de Tony DeBlase a été adopté avec enthousiasme dans toutes les communautés cuir à travers le monde. Mais Tony DeBlase a réalisé son œuvre sans en révéler le symbolisme de sa conception. Il souhaitait que chacun puisse se l’attribuer dans son interprétation personnelle. La plus classique est la suivante :

« Le cœur rouge symbolise l’amour, la bande blanche, la pureté d’une relation d’honnêteté et de compréhension mutuelle, les bandes noires, le cuir et les bandes bleues le jeans, les matériaux les plus portés dans la communauté. »

Une autre interprétation de Marcus Schmöger (24 août 2001) l’explique ainsi :

« Le noir est la couleur du SM, le bleu celle des fétichistes du jeans, le blanc représente la solidarité avec les novices de la scène SM, le cœur signifie que le SM n’a rien à voir avec la violence brute mais qu’elle est pratiquée dans la compréhension, le consentement et le respect mutuel ».

Les pratiques

On se découvre gay et on comprend que ça fait partie de sa nature. Mais on choisit d’adhérer au monde cuir qui demande un engagement voire un apprentissage, certains diront une initiation. Beaucoup de mecs parlent d’un second comming-out, fetish celui-là, au sein même de la communauté gay.

Selon Joseph W. Bean,  « le leathersex est l’érotisation du rapport de force entre deux hommes, un dominateur ou Top et un soumis ou bottom.

Le bottom est un homme dont le consentement aux actions qu’un autre homme entreprend sur lui est nécessaire pour qu’un plan sex-cuir puisse avoir lieu.

Le Top est un homme qui place avant ses propres désirs, celui de continuellement susciter le consentement d’un autre homme à l’action qu’il entreprend sur lui. »

La règle intangible est donc celle du consentement mutuel. Mais la relation se situe au-delà. Le jeu emmènera les partenaires d’autant plus loin qu’il existe une véritable relation de confiance entre eux. Pour autant, le SM n’est pas nécessairement la norme dans le milieu fetish. Chacun se construit selon ses aspirations et ses fantasmes. Souvent le type de fétichisme est lié à certaines pratiques plus qu’à d’autres. Mais les règles restent les mêmes quelle que soit le degré d’engagement et l’intensité du jeu.

La vie de mec cuir est un voyage.

Ce qui compte, ce ne sont ni les fantasmes ni les fétichismes ni les pratiques qui sont aussi variés que les individus et qui sont avant tout les marques de singularité et d’affirmation de soi que chacun développe dans son parcours personnel, mais la relation à l’autre et aux autres dans un cadre de valeurs qui reste intangible au cours du temps même si les usages évoluent.

La capacité à former un groupe où l’on se reconnait, se respecte, où l’on est solidaires et bienveillants envers les autres fait partie de la vie cuir. C’est l’adhésion à ces valeurs et l’adoption d’un état d’esprit, l’évolution dans un parcours de vie, qui fait le mec cuir bien plus que le poids, le prix ou le look de ce qu’il porte sur lui.

Le sex-cuir ne peut se passer du respect de l’autre. Mais rien de cela n’est inné. Bien qu’avec l’avènement d’internet, la culture cuir et de ses pratiques semblent infiniment plus accessible même aux plus jeunes, on est inévitablement novice et on évolue progressivement dans les pratiques que l’on souhaite avoir, tant comme Top que comme bottom en devenant progressivement plus expérimenté.

On se construit en découvrant les autres, leurs sensibilité, leurs pratiques, leurs différences. Et on apprend ainsi à se connaître soi-même.

Les représentations du monde cuir – bibliographie

Livres

L’essentiel des ouvrages que l’on peut trouver sur le monde cuir sont américains et donc en anglais. Il n’existe pratiquement pas de traductions françaises.

Larry Townsend – « The leatherman’s Handbook » LT Publications, livre devenu dès sa sortie « la bible » pour les amateurs, sorti en 1972 consacre la liaison entre cuir et BDSM.

Joseph W. BeanLeathersex A guide for the curious outsiders and the serious player – Dedalus Publishing Compagny – 1994

Gayle Rubin Surveiller et jouir, anthropologie politique du sexe – Ed. EPEL – traduction française, Nov. 2010

Guy BaldwinTies That Bind: The Sm/Leather/Fetish Erotic Style: Issues, Commentaries and Advice – Dedalus Publishing Compagny – 2nd Ed. 2003

Guy BaldwinThe Leather Contest Guide – A handbook for Promoters, Contestants, Judges and Titleholders – Dedalus Publishing Compagny – 2nd Ed. 2004

Mark Thompson, Editor – LEATHER-FOLK Radical Sex, People, Politics, and Practice – Alyson Publications – 1995

John D. WEAL – “The Leatherman’s Protocol Handbook – A Handbook on “Old Guard” Rituals, Traditions and Protocols” – The Nazca Plains Corp. 2016

Artistes

Tom of Finland, de son vrai nom Touko Laaksonen, est un dessinateur et peintre homosexuel finlandais, né le 8 mai 1920 à Kaarina et mort le 7 novembre 1991 à Helsinki. Célèbre dans le monde gay pour ses représentations fantasmatiques et fétichistes d’hommes, il a durablement influencé l’imaginaire gay. Ses dessins ont été publiés à partir de 1968. De nombreux ouvrages sont disponibles.

Robert Mapplethorpe (4 novembre 1946, Floral Park , État de New York –9 mars 1989 , Boston) est un photographe américain célèbre pour ses portraits en noir et blanc très stylisés, ses photos de fleurs et ses nus masculins. Le caractère cru et érotique des œuvres du milieu de sa carrière a déclenché des polémiques sur le financement public de l’art aux États-Unis (culture wars).

Dans la chanson, Rob Halforld, le chanteur du groupe de hard-rock Judas Priest, porte du cuir et se définit ouvertement comme étant homosexuel.

Plus « grand public », la figure de Glenn Hughes, membre du groupe Village People, a durablement marqué les esprits.

Cinéma

Le film L’Équipée sauvage, sorti en 1953, joue un grand rôle car le personnage joué par Marlon Brando fait connaître une nouvelle vision de l’homme. Portant t-shirt, lunettes noires, veste en cuir et jeans, il promeut l’image d’un homme libre de toute attache, libre et indépendant. La communauté gay y voit également le moyen de se démarquer d’une frange de sa population qui se tourne, elle, vers une vision efféminée de l’homosexuel telle qu’elle se répand dans le théâtre, le cinéma et la comédie musicale.

Le film pornographique de Peter Berlin Nights in Black Leather (1973) est connu pour être une des œuvres fondatrices du genre.

Le roman de Jay Green Cruising, a été adapté à l’écran en 1980 par William Friedkin avec dans le rôle principal Al Pacino.

Internet

Association Sportive Mococycliste de France

European Confederation of Motorcycle Clubs (ECMC)

Gay Leather Fetish history

The Leather Archives & Museum

La video « Original Pride: The Satyrs Motorcycle Club »

Glossary of BDSM

International Mister Leather

Un excellent site américain sur le fétichisme

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